Après l'agression du jeune militant antifasciste Clément Méric – mort jeudi 6 juin après avoir été déclaré en état de mort cérébral –, plusieurs rassemblements se sont organisés un peu partout en France, jeudi, pour lui rendre hommage.
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- A Paris, des milliers de personnes sur la place Saint-Michel
Des milliers de personnes se sont rassemblées jeudi en fin d'après-midi place Saint-Michel à Paris pour rendre hommage à Clément Méric, le militant d'extrême gauche mort après avoir reçu un coup reçu lors d'une bagarre avec des skinheads.
"Halte à la violence et à la haine !" pouvait-on lire sur une pancarte aux couleurs du Parti de gauche, qui avait appelé au rassemblement, auquel s'est aussi associé le Parti socialiste.
Deux amis du jeune militant montés sur la fontaine de la place y ont aussi déployé une banderole proclamant "Clément, 05.06.2013, à jamais l'un des nôtres".
Vers 19 heures, un camarade se présentant comme Olivier a pris la parole pour demander que les drapeaux des organisations présentes soient baissés en signe de deuil. "Ce crime est intolérable (...) Cet assassinat est politique", a-t-il lancé, décrivant Clément Méric comme "un jeune plein de vie, qui aimait la musique et avait la vie devant lui".
Alexis Corbière et François Delapierre, deux responsables du Parti de gauche, coprésidé par Jean-Luc Mélenchon, étaient dans la foule. "C'est trop facile de se laver les mains, de dire c'est un fait divers", a dit M. Delapierre devant des journalistes. "Il faut que chacun considère que c'est son devoir de s'occuper de ça et de régler ce problème qui peut défigurer notre pays", a-t-il ajouté, en allusion aux groupes d'extrême droite pointés du doigt après l'agression fatale.
Anne Hidalgo, candidate PS à la mairie de Paris, a tenté une apparition sur la place, mais elle s'est fait huer et a rebroussé chemin sous les cris "PS hors la manif, socialos trahison". Parmi les manifestants, il y avait des jeunes de Sciences Po, où Clément Méric était étudiant, et des militants d'Action antifasciste Paris-banlieue, groupe dont il était membre.
A Marseille, un cortège d'environ deux cents personnes emmené par des membres de l'action antifasciste a tenté de remonter la Cannebière en direction de la préfecture. Rapidement stoppés par les CRS disposés en travers de l'avenue, les manifestants ont scandé des slogans antifascistes.
Après quelques dizaines de minutes de négociation avec les leaders de la manifestation, les CRS ont reculé pour laisser le cortège poursuivre sa route vers la préfecture. Près de trois cents personnes ont manifesté dans le calme sous les drapeaux du Front de gauche, de Solidaires et de la CGT.
Beaucoup de drapeaux, mais petite foule à Toulouse. La plupart des organisations politiques et syndicales de gauche étaient représentées au bref rassemblement organisé en fin de journée devant la préfecture et la cathédrale Saint-Etienne à la mémoire de Clément Méric. Environ deux cents personnes sont au rendez-vous dès 18 h 30, à peine trois cents lors de la dissolution, vers 19 heures, après quelques brèves allocutions et une minute de silence.
"En début d'après-midi, on ne savait pas encore où et quand on se retrouverait", rapporte Arya, 21 ans, pour justifier la faible mobilisation. Etudiant à l'université du Mirail, le jeune homme a pris soin de mettre un autocollant du syndicat SUD étudiant sur son T-shirt noir "antifascista". Des lycéens de l'Union nationale lycéenne sont venus grossir les rangs, sagement rassemblés derrière leurs propres fanions.
Des élus socialistes sont venus sans drapeau, alors que les écologistes occupent les premiers rangs derrière leurs propres banderoles. Avec leurs calicots rouges, les militants du Parti communiste, du Front de gauche et du Nouveau parti anticapitaliste sont les plus visibles, les plus organisés aussi, distribuant des tracts rédigés dans la journée. Le PS et le PCF réclament de concert "la dissolution des groupuscules néo-nazis".
Porte-parole de Sud étudiant, Jessica craint que cela ne soit pas suffisant. "Ils se remonteront aussitôt sous un autre nom, ce sont leurs idées qu'il faut combattre", dit la jeune fille. Sophie, 29 ans, se dit franchement "déçue" de la faible participation. "J'ai vécu en Amérique latine, on ne laisserait pas les choses se passer comme ça là-bas. On a l'impression qu'ici, même la mort est devenue une banalité", regrette la jeune femme.
Le maire socialiste de Toulouse, Pierre Cohen, et plusieurs organisations de gauche ont pressé les autorités d'interdire un rassemblement prévu samedi à l'appel de l'organisation d'extrême droite Jeunesses nationalistes.
"Après l'assassinat odieux du jeune Clément Méric", le maire "juge indispensable pour la sécurité de tous et dans un contexte particulièrement sensible d'annuler" la marche aux flambeaux à laquelle ont appelé les Jeunesses nationalistes samedi à 21 h 30, a indiqué la mairie.
Plusieurs organisations de gauche interrogées, comme le syndicat SUD, auquel appartenait Clément Méric, le Parti socialiste, la CGT et la FSU, tout comme EELV, ont également réclamé l'interdiction de la manifestation, en même temps que la dissolution immédiate des structures d'extrême droite comme les Jeunesses nationalistes. L'UDI a aussi appelé à l'interdiction de la manifestation des Jeunesses nationalistes.
Avant la bagarre fatale à Clément Méric, plusieurs organisations de gauche toulousaines avaient appelé à une manifestation antifasciste samedi. Mais avec les événements de mercredi soir, la manifestation de gauche "prend une autre dimension", a souligné Sébastien Vincini, numéro 2 du PS de la Haute-Garonne.
- A Lyon, quelques milliers de manifestants
"Clément, ni oubli ni pardon", "Fascistes assassins, l'Etat ne nous protégera pas. Clément vit dans nos combats" Deux seules banderoles ont été déployées au milieu d'un rassemblement qui a compté environ un millier de personnes jeudi soir à Lyon.
Peu de slogans, un fumigène, quelques chants, l'essentiel n'était pas dans les discours ou les symboles mais dans une spontanéité forte, en forme de communion intense. Calme, l'assemblée était soudée, place de la Comédie entre l'opéra et l'hôtel de ville. Constituée d'une majorité d'étudiants, prévenus par les réseaux sociaux, comme Ingrid, 27 ans, en thèse à Lyon II, alertée sur Facebook : "On sent monter l'extrême droite, on ne peut plus leur laisser l'espace."
Sandra, 30 ans, ne sait "pas trop ce qui s'est passé dans le détail à Paris" mais a éprouvé l'envie de venir participer à ce rassemblement, sans être une militante engagée : "Depuis quelques mois, j'ai l'impression que les milieux d'extrême droite gagnent du terrain, à Lyon c'est particulièrement vrai. Là, un gamin qui meurt, ça suffit." L'assistance dépasse les habituels militants d'extrême gauche.
"Contrairement à ce que véhiculent les médias les groupes néonazis ne sont pas marginaux, ils sont structurés, organisés, à Lyon ça fait longtemps qu'on est au courant", dit Thomas, 22 ans, étudiant à Sciences Po Lyon. "C'est dommage d'attendre la mort d'un jeune homme pour se rendre compte à quel point l'extrême droite est virulente, hélas ce n'est pas une surprise, il y a longtemps qu'on interpelle les autorités sur la montée de la violence, on a toutes les composantes en action depuis longtemps ici", dit Sophia, 22 ans, elle aussi étudiante à l'IEP de Lyon, particulièrement émue par la mort de ce camarade de Paris "en qui on peut tous s'identifier".
Militante au Parti de gauche, Sophia craint la caricature : "On présente souvent les violences entre des blocs de militants extrémistes qui joueraient à s'affronter. L'image est fausse. Les agressions se multiplient bien au-delà de pseudo-rivalités orchestrées. Des passants, des couples, des cafés, ont été attaqués sauvagement."