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3 mai 2012 4 03 /05 /mai /2012 08:20
La hausse des salaires en Asie ne suffira pas à redessiner la carte de l'industrie mondiale

LE MONDE | 02.05.2012 à 15h05 • Mis à jour le 02.05.2012 à 18h05

 
A Shenzhen, le salaire minimum a dû être augmenté de 13,6% en février pour inciter les ouvriers migrants à revenir.

Le 1er mai, jour traditionnel de la Fête du travail, Razzaq Ansari, 45 ans, chômeur et père de six enfants dans le Sud du Pakistan, a tenté de s'immoler par le feu. Son corps a été brûlé à 40 %, mais M. Ansari a survécu, selon l'agence Associated Press.


Un geste désespéré qui traduit la colère, l'angoisse et le désespoir des travailleurs en Asie. Aux Philippines, en Indonésie, à Taïwan, et ailleurs sur le continent, des milliers de manifestants ont revendiqué des augmentations de salaire. pour sortir de la pauvreté.

Sur le continent, les salariés n'acceptent plus de n'être payés qu'un bol de riz et parviennent, de plus en plus souvent, à obtenir gain de cause. C'est en Chine, atelier du monde, que cette tendance est la plus prononcée. En moyenne, les provinces chinoises ont relevé les salaires minimums de 22 % en 2011, et 2012 devrait encore se traduire par des hausses à deux chiffres.


A Shenzhen, la ville usine jouxtant Hongkong, le salaire minimum a encore dû être augmenté de 13,6 % en février pour inciter les ouvriers migrants à revenir après le Nouvel an chinois. Il atteint désormais 1 500 yuans (180 euros) pour une semaine de quarante heures.

En Thaïlande, les promesses d'augmentation du premier ministre Mme Yingluck Shinawatra durant la campagne électorale de son parti, le Pheu Thai, en juin 2011, commencent, elles, à être appliquées : le 1er avril, le salaire minimum a été porté à 300 bahts par jour (7,38 euros) dans sept provinces du royaume sur soixante-seize. Et bientôt, l'augmentation, pour les titulaires d'un diplôme universitaire du niveau de la licence, devrait aussi se concrétiser avec un salaire mensuel minimum de 15 000 bahts.

 

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FAIRE NAÎTRE UNE CLASSE MOYENNE

Mais c'est en Inde que la progression est la plus accentuée de toute l'Asie, selon une étude du cabinet de conseil en ressources humaines Aon Hewitt. Elle est en cours depuis plusieurs années déjà. En 2012, des hausses de 11,9 % sont encore prévues, après 12,6 % en 2011.


Là-bas, l'augmentation ne concerne pas seulement les employés qualifiés de l'industrie pharmaceutique ou de l'ingénierie. Les revenus des ouvriers agricoles ont aussi été augmentés de plus de 15 % dans la majorité des Etats. Quant à l'économie souterraine, qui emploie encore 90 % des Indiens, les hausses seraient, dit-on, plus spectaculaires encore...


En cause, notamment : la grande crise de 2008. Si, en Occident celle-ci s'est traduite par des ponctions sur les salaires et le pouvoir d'achat, elle a, au contraire, provoqué un sursaut dans ces pays d'Asie. Leurs économies, focalisées sur les exportations, ont traversé un tel trou d'air lors de l'arrêt du commerce mondial que les autorités, en particulier en Chine, ont décidé d'accélérer la transition de leur modèle. L'idée est d'être moins dépendant de l'Occident et de faire naître une classe moyenne à même de servir de débouché à la production locale.


Le mouvement a été rapide, presque fulgurant. Avant la faillite de Lehman Brothers, en septembre 2008, les économistes de Natixis donnaient quarante ans à la Chine pour rattraper le niveau des salaires aux Etats-Unis. Aujourd'hui ce temps a été raccourci de près de moitié.

Mais les augmentations de salaires en cours ne permettent pas encore de combler l'écart avec l'Occident. "La force ouvrière a été oubliée pendant trois décennies. Un ouvrier n'est toujours plus le bienvenu lorsqu'il passe les 30 ans", rappelle Guo Wanda, chercheur à l'Institut de développement de la Chine, un centre de réflexion quasi-gouvernemental basé à Shenzhen.


Et l'inflation, qui frôle parfois jusqu'à 10 % l'an, mange une partie de ces augmentations.

En outre, les hausses de rémunérations restent très imparfaitement distribuées. Dans son rapport annuel publié en avril, la Banque asiatique de développement (BAsD) s'inquiète ainsi de la montée des inégalités.


LES HAUSSES DE SALAIRES PROFITENT AUX OUVRIERS ÉDUQUÉS

 

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Au sein de l'Asie émergente, le coefficient de Gini - une mesure du degré d'inégalité de la distribution des revenus - est passé de 0,39 à 0,46 (1 étant la mesure la plus élevée d'inégalité) au cours des vingt dernières années, peut-on y lire. "Les augmentations de salaires profitent surtout aux ouvriers éduqués. Or l'amélioration du système éducatif ne suit pas assez rapidement", selon Joseph Zveglich, économiste de la BAsD.


Plus préoccupant, le mouvement, censé traduire la métamorphose d'un appareil de production souvent basique vers une industrie à plus forte valeur ajoutée, n'est pas toujours bien orchestré. En Chine, "il n'y a pas de formation, aucun investissement dans les ressources humaines, c'est pourtant un point crucial pour une montée en gamme de l'industrie chinoise", s'alarme Guo Wanda.


Ces pays d'Asie cessent ainsi d'être l'eldorado d'industriels à la recherche de main-d'oeuvre bon marché sans être, encore, tout à fait capables d'attirer des industries plus sophistiquées.

Résultat, la progression des salaires devient parfois un handicap. "Elle pourrait même provoquer une vague de faillites en Chine", indique Sylvain Broyer, économiste chez Natixis. Selon une enquête effectuée par les autorités de la province du Guangdong, où le taux de concentration des PME est l'un des plus élevés de la Chine, la moitié des entreprises serait, dit-il, déjà dans le rouge ou avec un taux de profit inférieur à 2 %.


On comprend mieux, ainsi, pourquoi le patron de Foxconn, le célèbre fabricant des iPhone, iPad et autres produits d'Apple, qui a dû accorder des augmentations d'encore 25 % à ses équipes chinoises en février, a voulu rassurer ses actionnaires fin avril en affirmant qu'Apple et ses autres donneurs d'ordres seraient à même de financer les revalorisations salariales.

Mieux payés, les travailleurs de Chine, de Thaïlande ou d'Inde pourraient laisser imaginer que les ouvriers d'Occident - dont les entreprises ont délocalisé leur fabrication en Asie - tiennent leur revanche.


La réalité risque d'être différente. Si, de-ci de-là certaines entreprises décident de rapatrier leur production, le mouvement est loin de faire une tendance, affirme Enrico Moretti, professeur d'économie à l'université de Berkeley en Californie et auteur de The New Geography of Jobs ("La nouvelle géographie de l'emploi") chez Houghton Mifflin Harcourt.


A ses yeux, les usines parties en Asie ne reviendront pas de si tôt. Et pour cause. Si une heure travaillée sur ce continent coûte désormais parfois plus cher que dans certains pays d'Europe de l'Est, la main-d'oeuvre dans d'autres pays émergents de cette partie du globe comme aux Philippines (une heure de travail revenait fin 2010 à 1,90 dollar) ou au Vietnam reste très avantageuse pour les industriels. Même en Chine, l'écart entre provinces est important incitant les chefs d'entreprises à regarder vers les provinces du centre où les salaires demeurent souvent moins élevés d'environ un tiers.


Enfin, et surtout, en s'implantant en Asie, les industriels ne cherchent plus seulement les économies mais aussi à se rapprocher de leur nouvelle clientèle dont le pouvoir d'achat progresse pas à pas.


Claire Gatinois avec Julien Bouissou (à New Delhi), Bruno Philip (à Bangkok) et Harold Thibault (à Shanghaï)

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