Pas de suspense, assez peu de rythme, du crachin : cette finale entre Nadal et Ferrer, pliée en trois manches sèches (6-3, 6-2, 6-3), ne restera pas dans les annales. Mais le Majorquin a remporté son huitième titre à « Roland », un record, et démontré un mental et une force de caractère hors normes.

A PARIS, PAR ANTOINE PLACER vds@lavoixdunord.fr PHOTOS EPA Sept mois d'arrêt et la maladie de Hoffa (genou) n'ont pas eu raison de lui. Alors, le crachin parisien, des perturbateurs de la « Manif' pour tous » ou David Ferrer, pensez donc. Au plus bas l'an passé, touché dans sa chair et dans sa tête, Rafael Nadal est déjà sur ses cannes, vainqueur d'un nouveau tournoi majeur, son douzième, et la place de numéro un mondial dans le viseur, si le physique suit. Ahurissant.

Le garçon est fait d'un métal rare, protégé par une gangue inoxydable, fruit de son mental et de son physique, deux armes exceptionnelles chez lui. Même si son toucher de balle n'est pas si mal pour celui que certains présentent abusivement comme un bourrin.

Son huitième Roland-Garros, un record, il est allé le chercher avec la tête et les tripes, et une foi qui estomaque. « Rafa, du point de vue du mental, est le plus solide que j'aie jamais vu », a lâché un Ferrer résigné.

« Il me bluffe, hallucinait de son côté Guy Forget. Il a cette capacité, même quand ça va mal, à trouver toujours les ressources pour revenir. Il a un mental exceptionnel. Il est à l'abri du besoin sur un plan financier, ses descendants aussi, donc c'est seulement un défi qu'il se lance à lui-même. Si tous les jeunes pouvaient se comporter comme lui, ils optimiseraient leur potentiel... » En mission, le taureau de Manacor n'a laissé aucune miette à son challenger, insistant pour en finir dans le troisième set quand la pluie s'est intensifiée et quand Ferrer aurait bien fait une pause. Si fort contre Tsonga et tous les autres, ce dernier a enfin trouvé son maître, hier.

Avec huit jeux remportés, il a tout de même fait mieux qu'en demi-finale l'an passé, quand Nadal ne lui en avait laissé que cinq. Surtout, il a donné l'impression de pouvoir rivaliser sur quelques points, mais fut surclassé dans tous les moments décisifs. « Rafael a mieux joué que moi , a-t-il constaté, lucide. Il servait mieux, il était très agressif, notamment en coup droit. Il a été plus régulier que moi. J'ai eu des occasions au troisième set, mais il aurait fallu conclure ces moments importants. C'est là que Rafa a sorti ses meilleurs coups, comme toujours. » Cédric Pioline a souffert à ses côtés, compatissant, mais lucide : « David a été égal à lui-même, il a bataillé jusqu'au bout. Mais on a rapidement compris que c'était juste une question de temps. Son seul problème, dans ce tournoi, c'était Nadal, voilà... » Le Majorquin, très ému à l'instant de recevoir son Saladier, pourrait bien en traumatiser plus d'un sur le circuit dans les mois à venir. À 27 ans, il n'est qu'à deux Majeurs du record de Sampras (14), cinq de celui de Federer (17). À Paris, il règne sans partage, ou presque, et pourrait crever les plafonds.

Dingue.

« Ses limites seront seulement physiques, estime Forget. Il peut gagner encore trois fois Roland-Garros à mon avis, ce qui serait... Pfff... Il va dépasser Pete Sampras pour moi, Roger (Federer) pourquoi pas. » La suite de l'histoire reste à écrire. Et quelque chose nous dit qu'on n'a pas fini de conter la légende du divin Rafael. Surtout à l'aube de sa renaissance.